Fomenko et la « nouvelle chronologie »
1.— Fomenko et la « nouvelle chronologie »
En Russie, la corporation des historiens est en crise profonde. Du côté matériel, des salaires minimes et une faible attractivité de la profession pour la jeune génération dont les représentants les plus dynamiques préfèrent le monde des affaires à l’avenir incertain de professeurs universitaires employés d’un Etat en pénurie. Du côté de la recherche, une tradition marxiste-léniniste creuse depuis longtemps et ‘abolie’ depuis quelques années, et un manque de traditions alternatives, les tentatives des années 60 n’ayant pas pu établir de vraies écoles, et l’histoire culturelle qui s’inspire de la sémiotique de Tartu et plus récemment du post-modernisme ne produisant guère d’œuvres originales basés sur de nouvelles recherches.
A cela s’ajoutent une connaissance généralement très faible des travaux d’historiens étrangers, et une très forte instrumentalisation de l’Histoire par tous les discours et symbolismes politiques – de nombreux historiens de formation sont en fait devenus des soldats au front de la guerre d’information entre hommes politiques et « oligarques », tels Gleb Pavlovskiï, directeur de la « Fondation pour une politique effective » ou Sergueï Dorenko, présentateur de nouvelles à la première chaîne de la télévision d’Etat.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la réception des travaux d’Anatoliï Fomenko, professeur de mathématiques à l’Université d’Etat de Moscou, et des ses collaborateurs, qui, depuis le début des années 1980, ont publié un grand nombre d’ouvrages d’un volume impressionnant, où ils proposent une révision radicale de l’ordre chronologique de tous les événements de l’histoire mondiale au moins jusqu’au XVème siècle, en s’appuyant sur des méthodes quantitatives, et principalement statistiques.
Le présent travail se propose de présenter ces théories et la réaction qu’ils ont suscité, polémique presque totalement ignoré en France en dehors de quelques spécialistes russisants, et de fournir quelques observations d’ordre institutionnel qui pourront aider à évaluer cette réaction (qu’on ne peut guère appeler un « débat ») et à la mettre en perspective.
Pour cela, il est nécessaire tout d’abord d’exposer les idées du groupe de Fomenko en quelque détail, car il est difficile de trouver, même en russe, un compte-rendu de ces idées écrit d’un point de vue « neutre ». Nous nous contraindrons donc à éviter tout commentaire évaluatif dans l’exposé de la méthodologie fomenkoïenne.
Seront ensuite examinées les réponses faites à Fomenko dans les diverses étapes de son travail, avant de procéder à une analyse institutionnelle de cette attaque à l’historiographie établie. L’exemple de l’Allemagne, où ces idées ont également connu un certain succès très limité, pourra, par le contraste, aider à mieux montrer les spécificités du débat en Russie.
Fomenko et sa « nouvelle chronologie »
Fomenko et ses collaborateurs (un petit groupe de mathématiciens et de physiciens moscovites) essayent de démolir ce qu’ils appellent la chronologie traditionnelle ou « scaligerienne » par des méthodes astronomiques et par une critique des méthodes radio-nucléaires, et proposent une nouvelle reconstruction de la « carte chronologique globale ». à base d’un traitement statistique d’un corpus de sources historiques formalisées.
Leur conclusion, globalement, est que l’histoire mondiale telle qu’elle est généralement représentée dans sa chronologie est « quatre fois plus longue » qu’elle ne devrait l’être, résultat d’une transposition répétée d’événements récents vers des époques plus lointaines selon un modèle « copie-carbone ». Ainsi, le personnage de Jésus Christ serait une ‘mauvaise copie’ du pape Grégoire VII Hildebrand, Jules César serait une projection d’Otton III et ainsi de suite. La bizarrerie de ces conclusions a tendu à obscurcir les méthodes employées par le groupe « Nouvelle chronologie », qu’on exposera ici brièvement.Jésus Christ serait une ‘mauvaise copie’ du pape Grégoire VII Hildebrand, Jules César serait une projection d’Otton III
Il est très important, dans ce qui suit, de saisir que la problématique posée n’est pas celle de la chronologie comme périodisation, enjeu important dans toute la pensée historique francophone du XXème siècle – il ne s’agit pas, pour Fomenko et son groupe, de se mettre d’accord si le Moyen Age commence au Vème siècle ou en 214, mais bien de déterminer, par exemple, si le dernier Empereur ouest-Romain a été occis il y a 1500 ans ou plutôt il y a 900 ans.
Astronomie
Le point de départ des recherches fomenkoïennes était le problème de déterminer un paramètre de l’accélération lunaire, dont le calcul s’appuie, entre autres, sur des renseignements fournis par l’ Almageste de Ptolémée. Fomenko avait trouvé qu’une forte anomalie dans l’évolution de cette variable pouvait être complètement éliminée si on re-datait ce catalogue astral, généralement perçu comme appartenant au 2ème siècle après J.C., pour le placer dans « l’intervalle entre les ans 600 et 1300 ».
Comparant ensuite systématiquement les données pour les éclipses solaires fournies par le calcul astronomique aux descriptions de ces éclipses fournies par les chroniqueurs anciens – Egyptiens, Grecs et Romains – Fomenko trouvait partout des non-correspondances (par exemple des descriptions d’éclipses non-totales ou le rétro-calcul indique une éclipse totale et vice-versa) , qui cependant pouvaient être éliminées en révisant complètement la date de ces textes et en les « remontant » dans le temps vers une époque plus récente – et parfois également l’endroit de leur production.
Critique des méthodes chronologiques
S’intéressant par la suite aux méthodes employées par les historiens pour dater les textes qui parlaient de ces événements, Fomenko est remonté à Scaliger et Pétavius, qu’il représente systématiquement, surtout pour le premier, comme les fondateurs du système chronologique généralement utilisé aujourd’hui et par rapport auquel on date les trouvailles archéologiques et les événements historiques. Même si Fomenko cite souvent les titres de l’Opus novum de emendatione temporum de Scaliger (1583) et de De doctrina temporum de Pétavius (1627), il paraît improbable qu’il ait étudié ces textes dans l’original – quoi qu’il en soit, son jugement du rôle de ces auteurs semble s’appuyer presque exclusivement sur un compte-rendu dans un ouvrage russe sur La chronologie du monde ancien par E. Bikerman (1975).
Fomenko trouve ensuite une série d’auteurs critiques de la chronologie (comme datation) des événements anciens – il y range les ouvrages tardifs d’Isaac Newton au même titre que les remarques critiques de Theodor Mommsen sur Tite Live et les chroniqueurs romains, et surtout l’œuvre de Nikolaï Morozov (1854-1946), chercheur pluridisciplinaire issu du mouvement populiste (les narodniki) russe, qui avait entrepris, dans les années 1920, une tentative de réviser la chronologie biblique et de démontrer que les textes bibliques décrivent, de manière falsificatrice, plusieurs fois la même série d’événements. Fomenko regarde Morozov comme son principal prédécesseur.
Au niveau méthodologique, la critique fomenkoïenne consiste essentiellement à soutenir que Scaliger se serait appuyé, dans sa systématisation de la chronologie ancienne, sur une lecture peu critique de textes ecclésiastiques traditionnels, et que son utilisation de méthodes astronomiques ne lui servait qu’à confirmer, non pas à critiquer, la véracité des dates puisées dans cette tradition.
Il procède ensuite à énumérer les attaques qu’ont subi les méthodes auxiliaires de datation employées en archéologie, principalement la méthode carbo-nucléaire et la dendro-chronologie. Selon Fomenko, le principal point faible de ces méthodes est qu’elles nécessitent une pré-calibration qui, elle, suit la « chronologie scaligerienne » et interdit donc leur utilisation pour une confirmation du système chronologique dans son intégralité.
Statistique
Le bien-fondé qu’il voit dans toutes ces critiques pousse Fomenko à chercher une nouvelle méthode pour vérifier l’emplacement chronologique de tel ou tel document ou événement. Il la trouve dans la statistique. Pour transformer la « chronologie scaligerienne », telle qu’il la voit, en un corpus quantifiable et donc traitable par la statistique, Fomenko assemble ce qu’il appelle la « carte chronologique globale » qui met en série les « principaux événements et périodes » de l’histoire européenne et méditerranéenne entre 4000 av. J.C. et 1800 après J.C., selon leur description dans une sélection d’histoires générales des régions et des périodes couvertes.Fomenko assemble ce qu’il appelle la « carte chronologique globale » qui met en série les « principaux événements et périodes » de l’histoire européenne
Cette carte montre donc par exemple, sur des lignes chronologiques parallèles, les dates des règnes de princes Visigoths, d’Empereurs byzantins et de pontifes romains ; Fomenko pense avoir produit, de cette manière, l’idéal-type schématisé du « manuel d’histoire ».
C’est à cette énorme « carte » qu’il applique ses méthodes statistiques, à savoir le compte des noms et des événements décrits et son expression dans des graphiques. Le résultat semble coïncider avec celui des calculs astronomiques : la mise en série de ces graphiques montre quatre sections, décalées de plusieurs centaines d’années à chaque fois, pour lesquelles les graphiques, pour chacune des régions sélectionnées, semblent plus ou moins se répéter morphologiquement.
(L’appendice 2 montre deux des manières dont Fomenko et son équipe présentent ses résultats ; les noms donnés dans cette section sont moins importants que la logique même du procédé, bien illustrée par les parallèles indiquées de manière quelque peu chaotique dans les deux schémas).
En juxtaposant, maintenant, ces quatre sections, Fomenko y trouve partout des parallèles dans le détail des biographies et des événements qui forment le matériel de la quantification. Ce sont ses parallèles, et leur interprétation, qui forment le gros de l’énorme corpus produit par le groupe de Fomenko ; en voici un petit exemple : (les chiffres donnés entre parenthèses correspondent à « la durée du règne des dirigeants correspondants »)
« Les Carolingiens et l’Empire Romain au III-IV siècle après J.C. – Table 1
Moyen Age
Antiquité
Les Carolingiens, l’Empire de Charles le Grand au VII-IX siècle. Décalage de 360 ans […]
Un fragment du « 3e Empire Romain » du III-IV siècle (principalement les dirigeants de l’Est de l’Empire) […]
1. Pépin de Géristal 681-714 (33)
1. Constance II 324-361 (37)
2. Charles Martell 721-741 (20)
2. Théodose I 379-395 (16)
3. Pépin le Bref 754-768 (14)
3. Arcadius 395-408 (13)
4. Charles le Grand 768-814 (46)
4. Théodose II 498-540 (42)
5. Charlemagne 768-771 ou 772 (3 ou 4)
5. Constantin III 407-411 (4)
Le fameux « don de Charles le Grand » (774). Donne les terres d’Italie au Pape
Le fameux « don de Constantin I, le Grand » (au IV siècle). Donne Rome au Pape
[…]
[…]
» (Kritika tradicionnoj hronologii…, p. 77)
Les dernières entrées illustrent en outre l’une des règles de quantification utilisées par Fomenko : les mentions d’un même personnage utilisant des noms différents sont traités séparément.
Fomenko croit que ces « parallèles » sont les signes d’une « dépendance » systématique entre les quatre périodes repérées, preuve que les trois périodes antérieures sont des projections corrompues de la quatrième.
Il essaie de démontrer ces hypothèses également par un certain nombre d’autres méthodes statistiques – notamment le « principe de la corrélation des maximums », qui compare le nombre de pages consacrés à telle ou telle année dans une série de chroniques historiques. Si les ‘maximums locaux’ se répètent sur deux périodes – c’est-à-dire si le volume de pages évolue de la même manière, par exemple, pour les années entre 0 et 100 qu’entre 1053 et 1153, il y a, selon Fomenko, une forte probabilité que les textes qui constituent la base du graphique soient dépendants, qu’ils se réfèrent à une même réalité artificiellement dédoublée dans le temps.
Le récit qu’il propose pour expliquer ce phénomène consiste à dire que Scaliger et la génération de ‘chronologues’ qui l’avait précédé, en synthétisant les différents calendriers employés par leurs sources, s’étaient systématiquement trompés dans leur périodisation, et avaient classé dans des périodes différentes des documents qui, bien qu’utilisant des langages variés, avaient décrit une même époque. La Renaissance, que Fomenko bizarrement fait parfois commencer au XIème siècle, aurait donc été, non pas une période de redécouverte de la culture antique, mais en fait l’époque de la production de la plupart des textes plus tard classés comme antiques.
Pour donner de la substance à cette conjecture, le groupe de Fomenko déploie tout un appareil d’hypothèses sur les erreurs possibles qui ont pu conduire à une mauvaise interprétation de telle ou telle source : mauvaise vocalisation de textes non-vocalisés, non-considération des variations rhétoriques et religieuses dans la description d’un même personnage etc. Cependant, il exclut systématiquement l’hypothèse d’une falsification consciente et d’une fabrication de faux documents ‘antiques’ ou ‘médiévaux’ par les ‘chronologues’ ; pour lui et pour ses collaborateurs, il s’agit bien d’un péché originel de la part de Scaliger, mais d’un péché de dilettantisme plutôt que de mauvaise foi.Fomenko exclut systématiquement l’hypothèse d’une falsification consciente et d’une fabrication de faux documents ‘antiques’ ou ‘médiévaux’ par les ‘chronologues’
Fomenko précise à plusieurs reprises qu’il voit ses méthodes de calcul astronomique et de traitement statistique de textes comme le noyau de son travail, les reconstructions de « chronologies alternatives » n’ayant qu’un statut d’hypothèses. Ce sont surtout ces hypothèses, cependant, qui, sous une forme souvent systématiquement belletrisée, ont eu le plus grand succès en librairie. Dans cette série de gros volumes, Fomenko et ses co-auteurs en sont arrivés à une reconstruction de plus en plus radicale de l’histoire mondiale jusqu’au 16ème siècle présentée toujours comme une pure révision de la « chronologie scaligerienne ».
Pour donner quelques exemples, le XIVème siècle aurait en fait vu l’essor d’un énorme Empire, centré sur la Moscovie, et comprenant (ou plutôt représentant en même temps) les Empires ottoman et mongole et une grande partie de l’Europe ; c’est après la séparation de cet Empire que les nouveaux dirigeants de la ‘petite’ Russie, les Romanov, auraient établi une nouvelle version de l’histoire qui servait leur légitimation dynastique, modifiant l’héritage commun, qui d’ailleurs se serait dispersé à travers l’Europe en une multiplicité de mythes et de légendes, en raison de la très faible tradition de chroniques exactes jusqu’au XVème siècle.
De plus, tout l’ordre chronologique de la Chine serait un modèle extrêmement tardif, créé à partir de la « chronologie scaligerienne » importée d’Europe lors des premiers contacts avec les missionnaires jésuites, dans une Chine qui n’avait que des chroniques dynastiques non reliées entre elles, et qui se seraient donc « copiées » en plusieurs couches chronologiques suivant le modèle déjà montré pour l’Europe.
Il n’est pas nécessaire, ici, de présenter plus de détails de ces « reconstructions » monstrueuses et monumentales ; reste à ajouter que l’argumentation, dans tous ces ouvrages, procède principalement non pas par la méthode statistique inventée par Fomenko (dont les résultats sont considérés comme une base déjà acquise), mais par analogies terminologiques du genre « AFRIQUE = THRACE » (AFRIKA=FRAKIYA en russe) ou « ASIE = AS-LAND = SCANDINAVIE ». La vaste majorité des corpus ainsi « analysés » sont, évidemment, des traductions russes et non pas les originaux des chroniques ou synthèses sous considération.
II. Le contexte
La frivolité de cette « critique chronologique » peut paraître évidente ; ici n’est certainement pas l’endroit pour une critique détaillée des écrits volumineux de Fomenko. Ce qui est beaucoup plus intéressant à étudier, cependant, est le développement du débat autour de ses ouvrages en Russie, et les conditions qui ont facilité l’essor des théories fomenkoïennes. A part une critique relativement détaillée et très raisonnée, parue dès 1981 dans une revue spécialisée sur l’histoire ancienne (dont il sera question plus bas), la plus grande partie du ‘débat’ s’est déroulé dans les années 1990, après la publication de plusieurs ouvrages volumineux popularisant les idées de Fomenko, dans la presse.
Presque toutes les réactions publiées, à part un certain nombre d’évaluations positives mais anodines, sont écrites dans un style extrêmement émotionnel et ne portent souvent que sur une petite partie de la « méthode » ou (le plus souvent) des « résultats » du groupe de Fomenko. Même les articles d’historiens ne contiennent souvent que des remarques dérisoires et, parfois, des attaques personnelles, allant jusqu’à l’accusation de « fascisme ». Quelques tentatives ont été entreprises de critiquer certains aspects de l’ « appareil méthodologique » du groupe, mais elles ont été très limitées et partielles.
Tout cela est compréhensible. Tout historien utilisant les méthodes du métier peut considérer une confrontation avec les idées fomenkoïennes comme une perte de temps ; cependant, la grande popularité et le nombre toujours croissant des ouvrages de Fomenko et de ses disciples pourrait paraître solliciter une réaction plus détaillée.L’arrogance de l’histoire universitaire et académique permet à Fomenko de se styliser en novateur scientifique
D’un côté, la quasi dominance de Fomenko dans le débat (à travers des ouvrages constamment disponibles en librairie, par opposition à des articles de presse pour la majorité de ses adversaires), lui permet de demander « des historiens » une défense détaillée de la « chronologie scaligerienne » et d’ignorer toutes les réponses qui, selon lui, ne concernent pas l’appareil mathématique utilisé dans la « critique » – des termes qui ont déjà été repris par certains de ses adversaires même parmi les plus hostiles.
D’un autre côté, les critiques de Fomenko ne considèrent guère que les attaques fomenkoïennes, ou plus encore le phénomène qu’il représente, pourraient présenter de vraies défis à une science historique qui, en Russie post-communiste, a du mal à définir son rôle dans la société. L’arrogance de l’histoire universitaire et académique (c’est-à-dire de l’Académie des sciences), qui ne semble guère disposer à analyser un phénomène social qui n’est pas perçu comme « sérieux », permet à Fomenko de se styliser en novateur scientifique qui défie une vieille génération d’historiens bornés et fermés au dialogue interdisciplinaire. (Il est important à noter que Fomenko est sincèrement persuadé que ces théories constituent des hypothèses mathématiques ‘neutres’, sans aucun poids politique.)
Avant d’en venir à ces problèmes, et aux leçons qui pourraient être tirés de l’affaire Fomenko, nous tenterons d’esquisser le côté de cette affaire qui nous paraît le plus important, à savoir les conditions – institutionnelles aussi bien qu’intellectuelles – qui ont permis et qui ont façonné le succès du « fomenkoïsme » dans les années 1990.
Bien plus étonnant que le niveau généralement très faible des réponses faites à Fomenko par les historiens, est le succès dont ont joui, et continuent à jouir, ces théories parmi le ‘public’ russe, c’est-à-dire parmi les consommateurs de moins en moins nombreux d’un marché de livres extrêmement rétréci par rapport à la production soviétique. Ce succès, aussi limité qu’il soit, paraît le plus frappant en comparaison avec l’Allemagne, où une école de révisionnisme chronologique existe également – établie de plus longue date, mieux organisée institutionnellement, mais néanmoins beaucoup moins acceptée ou même remarquée par l’historiographie universitaire établie.
La référence à une période de crise ou de ‘transition’ dans la vie intellectuelle russe paraît évidente ; cependant, le phénomène est plus complexe et mérite d’être étudié si ce n’est que pour anticiper une éventuelle interprétation en termes de « science russe » ou « orientale », discours malheureusement courant parmi les russisants de nombreux pays aussi bien qu’en Russie même. L’autre extrême, opposé à une telle interprétation culturaliste (ou radicalement externaliste, comme diraient les historiens des sciences), serait de placer le ‘fomenkoisme’ dans le contexte d’une tendance mondiale à l’envahissement des sciences humaines par des méthodes quantitatives, tendance qui donne des résultats non moins désastreux dans les sciences politiques aux Etats-Unis que dans l’historiographie russe.
Le premier facteur à prendre en considération pour comprendre aussi bien l’agencement que la réception des travaux de Fomenko est le prestige dont jouissent traditionnellement les mathématiques en Russie. Discipline ‘neutre’ et peu coûteuse, elles ont été privilégiées, depuis le 19ème siècle, par un pouvoir central soucieux de disposer d’une science pouvant fournir un prestige international sans risque politique.
Seul débouché possible pour des étudiants doués qui ne voulaient pas se mettre au service de l’idéologie officielle, elles ont atteint, en URSS, un statut de grande autorité, étant un des peu de champs de recherche où le géant socialiste détenait une prééminence mondiale quasi incontestée. De plus, elles étaient le seul champ où la recherche était aussi bien implantée dans les universités que dans le réseau de l’Académie des Sciences, et donc liée à l’éducation de manière bien plus forte que les autres domaines du savoir.
Au moment où ses théories commencent à avoir une résonance, Fomenko est extrêmement bien intégré dans les deux structures : académicien, et donc détenteur du titre socialement le plus prestigieux qui existe en Union soviétique, il est également doyen d’un département de la faculté de mathématiques à l’Université d’Etat de Moscou, centre intellectuel du pays et étape cruciale pour toute innovation intellectuelle. Auteur de 26 monographies de mathématiques, chiffre véritablement énorme pour cette discipline, son œuvre (il est spécialiste de topologie et de géométrie différentielle) est traduite en plusieurs langues et très remarquée par la communauté mathématique internationale.Fomenko peut élaborer et avancer ses idées sur la révision chronologique, d’abord en guise de résultats strictement mathématiques
C’est en se servant de la liberté intellectuelle, et de la considérable indépendance matérielle, que lui donne cette position, que Fomenko peut, avec ses collaborateurs, élaborer et avancer ses idées sur la révision chronologique, d’abord en guise de résultats strictement mathématiques. (Leur premier ouvrage à ce sujet, paru en 1981, s’intitule Des nouvelles méthodes expérimentalo-statistiques pour dater les événements anciens et leurs application à la chronologie globale du monde ancien et médiéval, un autre, publié en 1990, s’appelle Méthodes d’analyse statistique de textes narratifs et applications à la chronologie – à contraster avec deux livres plus récents, L’Empire et La Russie biblique.)
Il est à noter que, selon l’indication des auteurs, leurs recherches sur la révision chronologique ont commencé en 1974, donc six ans avant la première publication – de telles recherches auraient été strictement impossibles dans le milieu beaucoup plus petit, plus fermement organisé et plus ‘idéologiquement surveillé’ des historiens.
C’est ainsi qu’en combinant leurs recherches astronomiques avec une quantification statistique, ils ont su atteindre un certain niveau de sophistication dans la présentation de leurs hypothèses révisionnistes, ce qui leur a valu la formation d’une commission spéciale de la Section d’histoire de l’Académie des sciences dès la parution de leur premier ouvrage ‘anti-chronologique’. Cette commission constitue d’ailleurs une étape très intéressante dans la réception de ces travaux. Dirigée par des historiens de l’antiquité, elle a produit une critique bien plus raisonnée et détaillée que la plupart de ce qui a suivi (cf. bibliographie dans l’annexe).
Cette critique se concentrait sur le côté formel de l’approche quantitative et s’opposait, entre autres, à la formalisation simpliste qu’avaient appliqué Fomenko et son co-auteur Postnikov à des « onomastogrammes », tables de noms tirés hors contexte pour le traitement statistique. L’article est remarquable par l’absence totale de références au canon marxiste-léniniste et par l’amplitude de travaux cités pour corroborer la critique faite à Fomenko.
Cela s’explique par le statut très particulier de l’Histoire ancienne au sein de la discipline historique en URSS – la plus éloignée des enjeux de « lutte de classes », elle pouvait traiter ses objets, du moins pendant la période brejnévienne, avec beaucoup d’indépendance et en contact étroit avec la communauté internationale ; la tradition pré-révolutionnaire d’une érudition quasi-humaniste avait été conservée dans ce milieu, proche également des « études orientales », un autre bastion bien enraciné.
Le grand succès en librairie des ouvrages de Fomenko dans les années 1990 s’explique, évidemment, par l’ouverture du marché éditorial ; mais également par la stratégie intellectuelle et institutionnelle qu’il emploie, et, surtout peut-être, par un ‘sol’ intellectuel fertilisé pour ce genre d’hypothèses par une série de bouleversements depuis les années 1960.Les ouvrages de Fomenko ont atteint un tirage total de bien plus de 100.000 exemplaires
Pour ce qui est de la stratégie, le grand nombre d’ouvrages publiés (facilités par un éditeur ‘personnel’ dans Faktorial, une maison d’édition relativement stable), ainsi que le souci de ‘bellétriser’ les résultats avec l’aide d’écrivains professionnels, jouent un rôle au moins aussi grand que la position de « mathématicien novateur » que Fomenko s’est su approprier face à une science historique établie perçue comme vieillie et compromise. Dans une situation où la vente d’une monographie historique dans les librairies non-spécialisées est presque un événement majeur, les ouvrages de Fomenko ont atteint un tirage total de bien plus de 100.000 exemplaires, supplémentés par des émules indépendants qui contribuent davantage à populariser la « nouvelle chronologie ».
Utilisant toujours le support universitaire de son département à l’Université d’Etat et se définissant principalement comme mathématicien qui ne traite les problèmes de chronologie que comme l’un des champs d’application de ses travaux mathématiques, Fomenko a néanmoins su rallier un groupe de collaborateurs (surtout mathématiciens et physiciens, mais aussi quelques historiens professionnels) et même de disciples et d’émules, y compris en province. Le soutien public de Garri Kasparov, champion du monde d’échecs, a contribué à rendre ses efforts sérieux dans les yeux de certains. Ce mouvement de concentration aboutit en ce moment dans la création d’une revue, expression indispensable de tout mouvement intellectuel qui veut se constituer en école.
N’est pas non plus sans importance un positionnement assez habile face à un adversaire (« les historiens », phrase clé de Fomenko et de ses disciples) et par rapport à une tradition aussi bien internationale (Newton) que nationale (Morozov, génie scientifique russe). Les ouvrages « anti-chronologiques » de Morozov, presque totalement oublié dans l’URSS brejnévienne, sont d’ailleurs systématiquement ré-édité par les efforts de l’éditeur de Fomenko.
Mais c’est en premier lieu ce qu’on pourrait appeler le climat intellectuel en Russie qui facilite la propagation du ‘fomenkoïsme’. Le discours des ‘civilisations’, relancé dans les années 1960 par l’historien conservateur-nationaliste Vadim Kojinov, et l’énorme popularité des travaux « néo-eurasistes » de Lev Gumilev ont formé, pour certains, une ‘ouverture d’esprit’ formidable pour toute théorie générale – et dissidente – de l’histoire ; et ces deux discours ont, en fait, été intégrés par certains historiens (surtout les ‘culturologues’) dans le canon de l’histoire ‘acceptée’.Les « reconstructions » fomenkoïennes ne peuvent évidemment pas échapper à la politisation
Les « reconstructions » fomenkoïennes, bien qu’avancées dans un esprit sincère (quoique quelque peu borné) de débat intellectuel, ne peuvent évidemment pas échapper à la politisation, notamment par le camp nationaliste. Il est évident que ce n’est que la grande distribution qu’ont connu les idées slavophiles du 19ème siècle, et les théories néo-nationalistes su-mentionnées, qui a pu donner l’idée, à Fomenko et son groupe, de réinterpréter l’histoire mondiale en termes d’un Empire russe, dont la construction paraît non sans relation avec la prétendue « Eurasie » de l’ethnologue Gumilev.
C’est également la peur d’une conspiration mondiale contre la Russie, élément intégral de toute idéologie nationaliste russe depuis le début du XXème siècle, qui semble, à certains, trouver un fondement dans les élaborations fomenkoïennes, même si, il faut le répéter, Fomenko s’oppose à une version de falsification conspiratrice de la chronologie.
Quoique certaines institutions du camp nationaliste (l’hebdomadaire Zavtra et la revue Elementy) aient dénoncé la « nouvelle chronologie », les livres de Fomenko sont assez largement vendus dans les librairies à tendance nationaliste, à côté d’un ouvrage pro-fomenkien intitulé La conspiration contre l’histoire russe.L’approche fomenkoïenne s’intègre très bien dans le croisement entre un orgueil national blessé et un positivisme traditionnel
L’approche fomenkoïenne, dont l’un des traits fondamentaux est de remplacer la problématisation de l’histoire par une méthode de révélation, s’intègre évidemment très bien dans le croisement entre un orgueil national blessé et un positivisme traditionnel issu des mathématiques, positivisme au sens précis de préférer les méthodes ‘dures’ des mathématiques au procédé ‘mou’ de l’histoire qui consiste à interpréter les sources de manière critique.
Le trouble qu’a, dans cette constellation, l’historiographie établie d’engager Fomenko, se manifeste, entre autre, dans un récent ouvrage intitulé L’Histoire de la Russie en petits morceaux, dirigé en partie contre l’école fomenkoïenne, où une historienne furieuse cite, pour ‘combattre’ l’histoire ‘peu sérieuse’ de certains auteurs très populaires, l’autorité intellectuelle du principal auteur de la Nouvelle droite russe, disciple d’Alain de Benoist et admirateur du Troisième Reich.
Le contraste avec l’Allemagne peut aider à remettre le débat en perspective : quand, en 1995, paraît une critique favorable d’un des ouvrages traduits en anglais de Fomenko, rédigée par Heribet Illig, ce dernier a déjà établi toute une « ‘scène’ critique de la chronologie » (« chronologiekritische Szene ») dans ce pays. De manière beaucoup plus pointue que Fomenko, Illig avait soutenu, dans plusieurs ouvrages, que le personnage de Charlemagne était une fiction historique. Autour d’Illig se sont réunis, dans les années 1980, un certain nombre d’auteurs soucieux de dénoncer des ‘mythes’ historiques liés à l’historiographie du Moyen Age ; Illig s’était doté d’une maison d’édition et d’une revue (cf. bibliographie).
Cependant, dans le monde intellectuel beaucoup plus riche de l’Allemagne, cette « scène » était clairement cloisonnée dans le champ des Grenzwissenschaften, « sciences marginales », partageant ce sort avec « l’ovnilogie » et les disciples de certains chercheurs non-conformistes. Ignorée plutôt que systématiquement dénoncée par l’histoire universitaire, ce champ est rattaché à certaines maisons d’éditions perçues comme peu prestigieuses, et animé surtout par des auteurs non-universitaires ou du moins éloignés des départements d’Histoire.
La charge potentiellement politique du « fomenkoïsme » et de son Empire a vite été reconnu par Illig, qui s’est distancié des méthodes de Fomenko, ce qui a conduit a un schisme dans la « scène », déjà peu remarquée. Au lieu donc de renfermer les débats ‘intérieurs’ dans les pages de la revue du mouvement et d’organiser un assaut, aussi futile pourrait-il paraître en Allemagne, à l’Histoire « établie », ce milieu quelque peu fossilisé a reçu un coup dur de la part d’une école qui ne cesse d’emporter des victoires institutionnelles en Russie.Les théories de Fomenko ont également connu un certain succès en Serbie et surtout en Bulgarie
Les théories de Fomenko ont également connu un certain succès en Serbie et surtout en Bulgarie, pays traditionnellement très proche de la Russie et où un mathématicien diplômé de Moscou s’est fait le propagandiste principal de l’Empire fomenkoïen, comprenant d’ailleurs « les Bulgares » comme important élément constitutif.
III. Conclusion
Pour revenir au leçons que pourrait tirer l’historiographie russe – mais non seulement russe – du phénomène de Fomenko, il faut peut-être d’abord invoquer le rôle public de l’histoire. Trop contente de se cloisonner dans le petit milieu d’experts que constituent les instituts de l’Académie des sciences, coupé même du monde de l’éducation universitaire, la partie de cette ‘science’ qui n’est pas encore tombée proie à la ‘culturologie’ ou aux modes nationalistes, n’arrive pas à faire connaître ses débats méthodologiques et ses problématiques, s’il en reste, à un public intellectuel plus vaste, comme l’a fait avec un certain succès l’école des Annales en France.
Les diatribes que consacrent, dans la presse, de nombreux historiens à la théorie de Fomenko, ne contribuent pas à redresser le prestige de ce métier dans les yeux de ceux qui, à force de l’éducation fortement « mathématisée » en Russie, sont plus facilement convaincu par l’exposé ‘neutre’ d’un Fomenko.
Mais de manière peut-être plus importante, les questions que soulève Fomenko, si l’on fait abstraction des enjeux politiques et de l’expression souvent sensationnaliste de ses « résultats », pourraient certainement stimuler des recherches historiques intéressantes, ou du moins un intérêt plus grand pour la littérature sur la chronologie qui existe en Occident et qui est souvent difficilement accessible en Russie.Il ne faut pas être mathématiciens pour avoir des doutes sur le bien-fondé des travaux de Scaliger
Il ne faut pas être mathématiciens pour avoir des doutes sur le bien-fondé des travaux de Scaliger, comme le montre Anthony Grafton notamment dans son « Scaliger’s Chronology » (cf. bibliographie) – même si ce personnage ne travaillait pas de la manière non-critique (ou intellectuellement solitaire) que lui attribuent les fomenkoïstes, ; le rôle fondateur de Scaliger pour la chronologie – ou plutôt la datation – de l’historiographie ancienne pratiquée après lui mériterait peut-être une investigation plus profonde. Une fondation rigoureuse de la ‘science chronologique’ telle qu’elle est exigée par les fomenkoïstes n’est certainement pas possible avec une certitude mathématique exacte ; raison de plus pour entreprendre des efforts de systématisation critique des méthodes existantes.
De plus, l’opposition à Fomenko serait un merveilleux champ, pour les historiens russes, de mener publiquement un dialogue critique, par exemple, avec la tradition historiographique de la ‘longue durée’. On peut remarquer que, quoique les historiens de l’Antiquité aient montée une bonne critique de la formalisation complètement schématisée et hors contexte de l’école fomenkoïenne, le noyau événementiel de cette tentative de schématisation a pratiquement échappé à la critique.
Ce n’est qu’en voyant l’histoire comme une progression de grands personnages et d’événements que cette formalisation peut même être pensable ; et c’est en pensant les problèmes posées par une périodisation en structures ou en institutions de longue durée que l’historiographie peut remettre au centre du débat au moins deux questionnements entièrement négligés par Fomenko et ses disciples : d’un côté, la tentative structuraliste, et de l’autre, l’ « histoire totale » des Annales, où le soulignement du contexte global de la production de sources historiques est valorisé, s’opposant ainsi à une mise en série entièrement anhistorique de sources historiques qui méritent d’être étudiées à titre de témoignages complexes et non de reflets mécaniques de dynasties et de règnes.
Appendice : Bibliographie
I – Fomenko
Les principaux ouvrages de Fomenko, ainsi que plusieurs autres documents, et notamment deux très bonnes bibliographies des publications de son groupe et de la polémique dans la presse et dans la littérature scientifique (compilées et commentées par Fomenko et ses collaborateurs) peuvent être consultés dans la bibliothèque Internet de Maksim Moshkov, sur le site web http://lib.ru/fomenkoat/.
Un trait intéressant de la bibliographie des critiques est que tous les articles « positifs » sur l’école de Fomenko contiennent, selon les auteurs, une « représentation exacte [ou « brève »] de l’ essence du problème » ; alors que la vaste majorité des articles négatifs « ne contiennent pas d’arguments valables ».
Les livres et brochures de Fomenko ont connu de nombreuses re-publications, subissant d’importantes modifications à chaque fois. Nous n’énumérons ici que quelques ouvrages cités dans le texte, et les versions les plus récentes des livres, ainsi que les traductions anglaises :
A.T. Fomenko, SOME NEW EMPIRICO-STATISTICAL METHODS OF DATING AND THE ANALYSIS OF PRESENT GLOBAL CHRONOLOGY. 1981. London, The British Library, Department of printed books. Cup. 918/87.
A.T.Fomenko, KRITIKA TRADICIONNOJ HRONOLOGII ANTIChNOSTI I SREDNEVEKOV’Ja. (KAKOJ SEJChAS VEK? ). Referat, – Moscou, izdatel’stvo mehaniko-matematicheskogo fakul’teta MGU, 1993
A.T.Fomenko, EMPIRICO-STATISTICAL ANALYSIS OF NARRATIVE MATERIAL AND ITS APPLICATIONS TO HISTORICAL DATING
Volume 1: The Development of the Statistical Tools.
Volume 2: The Analysis of Ancient and Medieval Records.
Kluwer Academic Publishers. 1994. The Netherlands.
G.V.Nosovskij, A.T.Fomenko, IMPERIJa. (Rus’, Turcija, Kitaj, Evropa, Egipet. Novaja matematicheskaja hronologija drevnosti) – Moscou, 1996, izd-vo Faktorial
G.V.Nosovskij, A.T.Fomenko. BIBLEJSKAJa RUS’. IZBRANNYE GLAVY – I. (Russko-ordynskaja Imperija i Biblija. Novaja matematicheskaja hronologija drevnosti. Istorija rukopisej i izdanij Biblii. Sobytija XI-XII vv.n.e. v Novom Zavete. Pjatiknizhie). – Moscou, izdatel’stvo “Faktorial”, 1999.
G.V.Nosovskij, A.T.Fomenko, VVEDENIE V NOVUJu HRONOLOGIJu. (KAKOJ SEJChAS VEK?). – Moscou, Kraft-Lean, 1999
II – Critiques du ‘fomenkoïsme’
Parmi les critiques qu’il faut évoquer (pour une liste plus complète, cf. la bibliographie citée plus haut), il faut noter surtout l’article de E.S.Golubtsova et E.M. Smirin, O poytke primeneniya « novyh metodik statisticheskogo analiza » k materialu drevney istorii in Vestnik drevney istorii, 1/1982
Yu.N. Efremov, « Astronomiïa i « novaïa hronologiïa » » in Astronomicheskiï kalendar’ na 1998 god, comporte une critique des méthodes statistiques employées par Fomenko
III – Scaliger
Son magnum opus traitant de chronologie est
Joseph Scaliger, Opus novum de emendatione temporum, Paris, 1583
Les principaux commentaires sont sa biographie, et un essai, par Anthony Grafton :
Joseph Scaliger : a study in the history of classical scholarship – I. Textual criticism and exegesis, II. Historical chronology, Clarendon Press, Oxford, 1983 et 1993
« Scaliger’s Chronology »in Defenders of the text, Harvard University Press, Cambridge, MA/London, 1991, pp. 104-144
IV – Les révisionnistes chronologiques en Allemagne
Le site web « Geschichte und Chronologie », http://geschichte.eu.cx/, est le forum principal des adhérents (peu nombreux) de Fomenko en Allemagne, mais il donne aussi des renseignements bibliographiques sur certains autres auteurs de la « chronologiekritische Szene ».
L’école de Heribert Illig a pour plate-forme la revue Zeitensprünge (jusqu’à 1995 : Vorzeit-Frühzeit-Gegenwart) et le Berliner Geschichtssalon.
Les principaux ouvrages « anti-chronologiques » de Heribert Illig sont :
– (avec Gunnar Heinsohn): Wann lebten die Pharaonen?, Archäologische und technologische Grundlagen für eine Neuschreibung der Geschichte Ägyptens, Eichborn Verlag, Frankfurt/M., 1997
– Chronologie und Katastrophismus, Vom ersten Menschen bis zum drohenden Asteroideneinschlag, Mantis Verlag, Gräfelfing; 1993
– Hat Karl der Große je gelebt? Bauten, Funde und Schriften im Widerstreit; Mantis
Verlag, Gräfelfing, 1994
– Das erfundene Mittelalter. Die größte Zeitfälschung der Geschichte, Econ Verlag, Düsseldorf, 6ème édition, 1996
– Wer hat an der Uhr gedreht? Wie 300 Jahre Geschichte erfunden wurden, Econ&List,
München, 1999
Deux auteurs proches de la ‘scène’ ont publié un livre spécialement consacré à la critique des méthodes auxiliaires de datation :
Christoph Blöss, Hans-Ulrich Niemitz, C14-Crash. Das Ende der Illusion, mit
Radiokarbonmethode und Dendrochronologie datieren zu können, Mantis Verlag, Gräfelfing, 1997
V – Autres sources utilisées
Graham, Loren R., Science in Russia and the Soviet Union: A Short History, Harvard University Press, Cambridge/MA, 1993
Jacques Le Goff, Histoire et mémoire, folio, Paris, 1977
Krzysztof Pomian, L’ordre du temps, Gallimard, Paris, 1984.
Mischa Gabowitsch, Paris · 2009